LABIMMO JEUDI 14 NOVEMBRE – Quand le ZAN pousse à reconstruire la ville sur la ville
Comment reconstruire la ville sur elle-même, en répondant à la crise du logement ?
Comment consommer moins d’espaces naturels et agricoles, dans le cadre du Zan (zéro artificialisation nette), et répondre en même temps aux besoins en logements, accentués dans l’Hérault et le Gard par une forte croissance démographique ? Ne va-t-on pas trop loin dans la reconstruction de la ville sur elle-même ?
C’était le thème du dernier Lab Immo Midi Libre de 2024, jeudi 15 novembre à l’Hôtel de Girard à Montpellier. « La consommation d’espaces naturels ralentit en Occitanie : de 3 200 hectares par an entre 2009 à 2015, à 2 500 hectares par an entre 2015 et 2020, d’après la Dreal », relève Fanny Thooris, notaire associée à Montpellier. « Mais on peut faire mieux : l’artificialisation des sols se fait toujours à un rythme plus rapide que la croissance démographique et économique. »
Pour Laurent Romanelli, président de M & A, le Zan, qui découle de la loi Climat et Résilience de 2021, « est la mise en application de ce que l’on préconise depuis 20 ans. Il faut absolument réduire les transports longs du quotidien, et les coûts d’aménagement démesurés. Il faut assumer la densification dans les villes. C’est une position écologique : monter plus haut dans la construction permet de créer des espaces verts ».
Exemple concret, le programme mixte (330 logements, commerces et bureaux) ‘Casa Volante’ de M & A, à Lattes, au niveau de l’hypermarché Carrefour, qui va être édifié à la place d’anciens commerces et parkings. Le secteur, actuellement entièrement goudronné et dévoré par d’anciennes « boîtes à chaussures » commerciales, va être entièrement repris, et en partie renaturé.
Accélérer la densité
Les enjeux du Zan se trouvent au cœur du nouveau PLUI (plan local d’urbanisme intercommunal)-Climat de la métropole de Montpellier, voté le 8 octobre.
Selon ce document, 84 % de l’urbanisation à venir se fera en effet par le réinvestissement de zones déjà bâties : Ode à la mer, Restanque, Zac Beausoleil… Un point d’alerte, dans ce contexte contraint : « La densité affichée au départ n’est très souvent pas atteinte. Les programmes immobiliers ne sont en moyenne qu’à 65 % de leur potentiel constructible ! », prévient Thierry Iacazio, président de la FPI Occitanie Méditerranée.
En clair, la densité doit être assumée plus pleinement. « Le PLUI comprend 56 orientations d’aménagement et de programmation. Il faut qu’elles aboutissent, avec une densité favorable », ajoute-t-il. La FPI va aussi proposer 13 territoires de projets.
Incarnant le monde des entreprises gardoises, Éric Giraudier, président de la CCI du Gard, se dit « favorable à la prévention », mais regrette « une application trop uniforme du Zan. Ce règlement doit être adapté par rapport à la démographie. Il y a un manque de réflexion partagée en matière d’aménagement du territoire. Sur un sujet aussi crucial, la bonne échelle est celle du département. »
Transformation de bureaux et surélévations
S’il apporte son lot de contraintes, le Zan « nous force à regarder la vérité en face, et à régler le problème de l’habitat peu désirable, par exemple celui des centres-villes, dont plus personne ne veut, » relève Clément Rabourdin, architecte-associé chez Ateliers A +. « On peut faire mieux en améliorant l’existant, en augmentant les capacités d’accueil ».
Des pistes émergent : transformations de bureaux vides en logements, ou encore surélévations d’immeubles, notamment via la construction bois. Contrairement à d’autres régions au passé industriel, le Languedoc manque de friches. « Clermont-Ferrand bénéficie de la présence de grandes friches ayant appartenu à Michelin. Cela permet à la collectivité de piloter des opérations d’envergure de reconstruction, avec plusieurs centaines de logements », conclut Christophe Pouzol, directeur du développement immobilier du Crédit Agricole du Languedoc.
Laurent Romanelli : « Faire accepter la densité »
L’un des enjeux principaux du Zan est de faire accepter la densité urbaine. Il y a un gros travail à mener pour y parvenir. Les gens restent avec l’image des tours des années 60 et 70. C’est un frein. L’idée initiale de ces tours était pourtant vertueuse.
Il s’agissait de sortir de la précarité des millions de personnes, en leur offrant un confort. Mais cette densité a été mal conçue, en oubliant la mixité, les mobilités, la qualité de vie… Comment faire pour que les relations humaines se passent bien dans les nouvelles formes urbaines denses, sans reproduire les erreurs du passé ? Les promoteurs peuvent désormais répondre à ce défi.